François Jullien・Les Transformations silencieuses, Chantiers I


 

On continue notre exploration du sinologue et philosophe français François Jullien, né en 1951, avec cet essai qui questionne le concept de « transformation silencieuse». Pourquoi un jour nous réveillons nous et l’amour n’est plus ?


Silencieuse, mais pourquoi ? Car sitôt la neige a commencé à fondre au soleil qu’elle n’est déjà plus neige. Le concept est donc difficile à cerner, figer, car à peine nous en apercevons nous qu’il est déjà trop tard. La pensée grecque dont la philosophie européenne est le fruit est ici mise en parallèle avec la pensée chinoise, que Jullien en tant que sinologue maîtrise parfaitement. Cela nous ouvre des portes sur la pensée, un éclairage nouveau dont on ne saurait se priver!

Dans la philo grecque, il y a rupture, il y a événement. Le chirurgien va décider d’opérer maintenant tout de suite et va attendre un résultat immédiat. Là où la médecine chinoise laisse le temps au temps - puisqu’il s’agit là d’un concept même qu’elle ne connaît pas - pour que le traitement se diffuse, infuse... De même que la mort est une fin vers laquelle nous tendons, elle n’est en Chine qu’un passage menant vers une réincarnation, car la vie est transition, continuation. Nous ne nous réveillons pas dans l’état de vieillesse un beau matin, nous sommes devenus vieux de façon imperceptible. Jullien rapproche son concept à la sagesse et non à la philosophie puisqu’il est ni net, ni découpé, et « antinomique de l’action ».

« Si bien que la Chine, nous le constatons rétrospectivement aujourd’hui, a pu renverser complètement son système social et économique par transition continue, laissant le régime et le Parti en place, mais si profondément transformés (comparez avec l’URSS redevenant Russie et passant par tant de ruptures en chaîne : XXe Congres, Dekhrouchtchevisation, Pérestroïka, etc). ».

« Car l’événement se « consomme ». Il se consomme pour mettre un peu d’intensité dans nos vies, et même on s’en repaît. Le pathos est aussitôt orchestré, étalé, épuisé. »

 
 
160 pages au Livre de Poche

160 pages au Livre de Poche

« Car l’événement se « consomme ». Il se consomme pour mettre un peu d’intensité dans nos vies, et même on s’en repaît.»