Loïc HECHT ・Interview

 

Loïc Hecht est journaliste, et fut le rédacteur en chef de feu le génial snatch magazine. il est aussi le réalisateur de “ceuta, douce prison”, le documentaire sur les migrants.

autant vous dire que son premier roman - “le syndrome de palo alto” sorti le 08 janvier aux éditions léo scheer - qui se passe à san francisco sur fond de silicon valley style, est plus que véridique et forme un vrai symbole de notre époque. on lui souhaite un succès plus que mérité !


1/ EstelleReads : Le Syndrome de Palo Alto est ton premier livre. Comment tu t’y es pris ?

Loïc Hecht : À l’époque de Snatch, je suis parti faire une enquête journalistique à San Francisco. C’était fin 2014, et c’est comme ça notamment que j’ai rencontré des membres de la CounterForce, l’organisation qui m’a inspiré pour VIRUS dans mon livre, et qui est un groupuscule d’anarchistes anti high-tech qui fait des actions contre de grands acteurs de la Silicon Valley. Quant au titre de mon roman, c’est une référence évidente au syndrome de Stockholm, mais cela s’applique ici à notre relation d’otage consentant de la technologie. 


2/ ER  : Tu as toujours voulu écrire ?

L.H. : Quand j’étais plus jeune, je voulais être romancier, mais être écrivain c’était quelque chose que l’on faisait à 40 ans, ce n’était pas un vrai métier avec lequel on gagne sa vie. Je sortais d’école de commerce, et un an avant les J.O. de Pékin (ndlr: qui ont eu lieu à l’été 2008) j’avais fini mes études, des copains étaient en Chine et je me suis dit que j’aurai des sujets intéressants là bas. J’y suis donc allé avec en tête l’idée de ramener des piges à proposer à la presse. C’est comme ça que je suis devenu journaliste.

Pour l’écriture de mon roman, qui a duré quasiment quatre ans, j’ai été m’isoler en résidence d’artistes un an et demi en France, puis j’ai postulé pour aller en résidence en Estonie, au Portugal, en Espagne, à Tanger. Il y en a plein ! J’avais en tête d’écrire les histoires que j’aime lire.


3/ ER : Qu’est-ce que tu lisais quand tu étais enfant ?

L.H. : Oui, mais des bandes dessinées, L’Équipe…quand j’étais ado. Je lisais des romans plus l’été. Vers 15-16 ans j’ai découvert Bukowski. Je me souviens de “La Plage” d’Alex Garland. De “Mon Chien Stupide “de John Fante. C’est mon père qui lisait tout ça et me les filait. J’ai grandi à Reims et on était le genre de famille qui allait à la bibliothèque tous les samedis après-midis. Vers 18 ans, je me souviens que j’ai lu “Le Mépris” de Moravia, “Le Parrain” de Mario Puzo…

Quand j’étais étudiant, j’ai découvert Houellebecq et Bret Easton Ellis. Houellebecq racontait des histoires qui se passaient près de nous, et en même temps, il avait toujours un côté visionnaire : dans “La Possibilité d’une île” sorti en 2005, il évoque déjà la question du transhumanisme !


4/ ER : Tu as un faible pour la littérature US !

L.H. : Oui, j’aime beaucoup le Nouveau Journalisme, qui utilise tous les artifices de la fiction mais pour raconter le réel, que j’ai découvert avec “Gonzo Highway” de Hunter S. Thompson. Et Tom Wolfe bien sûr, d’où le choix du livre d’aujourd’hui ! Je trouve que les US ont une vision du monde moins autocentrée. Une lecture du monde globale donc, même si biaisée.


5/ ER : Dans ton livre, il y a deux personnages principaux : Marc Klein un français qui a monté sa startup de biotech et s’est fait viré du board avec un gros chèque, et Luz, colombienne qui étudie à Berkeley, qui n’aime pas les États-Unis et les “gringos” et s’apprête à se faire renvoyer car la direction de l’université apprend qu’elle est “cam girl” pour gagner sa vie. J’ai adoré son personnage - et de façon générale tes personnages sont très bien construits et personnellement j’ai adhéré aussi bien aux uns qu’aux autres, ils sont très bons! - qu’est ce que tu avais en tête quand tu l’as créée ?

L.H. : J’avais envie de montrer un personnage féminin qui se sert d’Instagram dans sa quête d’empowerment et d’émancipation. Elle tire profit au maximum du système en devenant influenceuse de fitness. De même, elle est “cam girl”, mais maîtresse de ce qu’elle fait. Elle pose ses limites, dans un cadre qu’elle connaît puisque c’est chez elle. Elle est loin d’être bête.


6/ ER : Pour en revenir au livre que tu as apporté aujourd’hui, pourquoi “Le Bûcher des vanités” de Tom Wolfe ?

L.H. : Ce livre a été ma grande inspiration pour “Le Syndrome de Palo Alto”. Tom Wolfe était déjà très connu dans le journalisme quand il est publié en 1987. C’est l’histoire d’un trader horrible qui se trompe de chemin quand il va chercher sa maîtresse à l’aéroport. Sur la route, il passe dans le Bronx et en croisant deux mecs, en tue un des deux. Il s’enfuit.


 
 

Hôtel Grand Amour, Paris 10ème.

Loïc Hecht

Loïc Hecht

« J’ai voulu faire un syndrome de Stockholm version numérique.»


7/ ER : Hmm…dis nous en plus !

L.H. : Ce livre dépeint l’impunité absolue de Wall Street dans les années 80 à New York, le système des avocats véreux, des tabloïds, tout le système judiciaire new-yorkais. Un vrai page-turner, une fresque que j’ai lu il y a environ dix ans, l’ayant trouvé par hasard dans une brocante à Nice et dévoré sur une plage !


8/ ER : Une tocade à avouer au sujet des livres ?

L.H. : J’achète les livres d’occasion car j’adore les éditions originales !


9/ ER : Quels livres as-tu aimés récemment ?

L.H. : “La meilleure part des hommes” de Tristan Garcia.

“La théorie de l’information” d’Aurélien Bellanger.

J’ai adoré relire “Cantique de la Racaille” de Vincent Ravalec aussi, que j’avais lu à 15 ou 16 ans. 

Ah et dernièrement j’ai lu Murakami, son livre sur l’écriture. Il court absolument tous les jours tous les matins pendant 1 heure ! Il a une hygiène de vie et d’écrivain incroyable.


10/ ER : Une citation  tirée du Bûcher des vanités ?

L.H. : “Ne vous retrouvez jamais pris dans le système de la justice américaine. Dès que vous êtes pris dans la machinerie, juste la machinerie, vous avez perdu. La seule question qui demeure, c’est combien vous allez perdre.”

(ndlr : extrait présent page 86 du “Syndrome de Palo Alto”, pour vous donner une idée du dévouement de Loïc !)


11/ ER : Quel est le livre que tu as le plus offert ?

L.H. : Il y en a plusieurs ! J’ai déjà offert “La Horde du Contrevent” d’Alain Damasio, “Un roman russe” d’Emmanuel Carrère que je trouve si narcissique que ça en devient drôle, et bien sûr, “Le Bûcher des vanités”. :-)


12/ Tu dirais que ce livre est à lire si …

L.H. : Vous avez envie d’expérimenter le frisson de l’homme qui voit son monde s’écrouler sous ses pieds !


ER : Merci Loïc ! On te retrouve le 17 janvier 2020 à la Librairie Les Guetteurs de Vent, Paris 11ème, pour une rencontre-dédicace !