Billet d'humeur・Le temps qui passe

 

hier, j’ai eu 29 ans… mon frère, sept ans de moins - oui je vous laisse calculer - m’a dit “ah ouais c’est chauuud, t’imagines l’année prochaine ?”


J’imagine l’année prochaine ? Euh, comment ça ? J’ai déjà l’impression que c’est un miracle chaque nouvelle année passée, que tous les six mois ma vie change d’un paramètre voire plus de façon incroyable… Donc non, je n’imagine rien, trente ans ça serait quoi ? L’âge où on n’aurait plus droit à l’erreur ? Où on deviendrait des “adultes”? Mais c’est quoi un adulte ? Je sais pas vous, mais moi, mes 12 ans c’était hier…

L’occasion de repenser à deux choses que l’on m’a dites à propos de l’âge, il y a des années, et qui m’ont profondément marquée.

La première réflexion, elle est de mon père. C’était il y a six/sept ans - oui je vous laisse calculer (bis) - à qui je devais confier que j’étais effarée de comme le temps passait de plus en plus vite et comme il n’y faisait rien, je n’étais pas plus avancée dans ce que je voulais faire de ma vie, ni dans ce que j’attendais de l’Autre. Il avait eu cette phrase très juste, “si tu te trouves vieille, c’est juste que tu n’es pas heureuse avec qui tu es et que tu as l’impression de ne pas mériter ces années de plus. Ce sont les gens malheureux qui n’aiment pas vieillir. Ils aimeraient remonter le temps.” Et c’est si vrai. Quand on patauge, qu’on n’arrive pas à trouver qui on est, le temps s’étire sans donner satisfaction.

La seconde, c’est lors de mon premier vrai job. J’étais consultante dans une entreprise de sous-traitance en relation client. Grâce à mes études, j’avais un poste qui nécessitait de “driver” des gens qui étaient experts dans leur coeur de métier, qui y travaillaient depuis parfois vingt ans, mais qui n’avaient pas forcément les outils pour analyser leur travail et être meilleurs - en bref, plus rentables pour la boîte. À une réunion client qui avait lieu une seule fois dans l’année, le seul rendez-vous auquel le PDG de l’entreprise participait, je devais prendre la parole pour expliquer les chiffres donnés sur mon PowerPoint. Ledit monsieur avait eu la délicatesse de sortir devant dix personnes “Au prix que vous facturez, vous nous mettez des stagiaires de troisième pour gérer notre compte ?!”. Et là, mon super maxi boss de l’époque avait répondu “On ne reproche pas son âge à quelqu’un qui est bon.” Silence autour de la table. J’étais si fière !

 
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Crédit photo Félix Gruber - Fuerteventura

Quand j’étais enfant, je m’étais aperçue que les adultes n’aimaient pas vieillir. Surtout les femmes, on m’avait dit que ça n’était pas poli de leur demander leur âge. Par esprit de rébellion, j’étais énervée qu’on me le demande à moi ce qui renvoyait à ma jeunesse, car je n’ai jamais fait mon âge et qu’encore aujourd’hui quand je suis au restaurant avec ma famille on ne me met pas de verre à vin mais on me propose un verre de jus d’orange.

Lorsque certaines poussent des coups de gueule - je repense notamment à Yann Moix qui dit qu’aimer une femme de cinquante ans ce n’est pas possible pour lui - je me demande si avant tout nous ne devrions pas commencer à être plus solidaires les unes des autres. Si certaines femmes de moins de trente ans ont envie de sortir avec un bedonnant de plus de cinquante ans qui a déjà fait sa vie ailleurs sans que ça ne leur pose de problème alors que l’inverse est impensable, il 'n’y a pas de raison que cela change. De même lorsqu’un célèbre magazine féminin hebdomadaire souhaite encore en 2019 faire sa couverture sur un “Spécial rajeunir”, on peut se demander en quoi il fait avancer le chemin vers l’acceptation de soi. Est-ce qu’il ne faudrait pas déjà porter un regard bienveillant envers nous-mêmes ?

Bref, j’ai hâte d’avoir trente ans !